Les Etudes du Père Abbé

L'HABIT FAIT LE MOINE.

Indice : XIII


Il n'est pas sûr qu'il y ait un chapitre sur les chapeaux dans Aristote; mais il est bien certain que, tôt ou tard, l'historien rencontre l'importante question du vêtement des religieux.

C'est là un des domaines les plus colorés et les plus complexes de l'histoire de la mode, encore que, de toute évidence, les religieux ont toujours manifesté leur volonté de ne pas céder aux humeurs changeantes du siècle, de rester très scrupuleusement attachés aux vêtements que leur avait imposé le fondateur, de répondre aux exigences d'une vie marquée par un idéal de pauvreté, de simplicité et d'austérité, aux impératifs d'un esprit de corps très poussé, marqué par l'uniforme et la régularité.

Mais comment vivre dans le siècle en rendant manifeste, sans extravagance, sa volonté d'en vivre sinon séparé, du moins en marge? Comment ne pas être de son temps sans paraître anachronique?

Les problèmes relatifs au vêtement, au linge, aux chaussures, aux gants, ont occupé pendant des siècles l'esprit des religieux, comme d'ailleurs celui des militaires.

C'est que le vêtement est toujours affecté d'un symbolisme très riche. Il est un signe et une preuve d'adhésion, de solidarité à la fois dans le temps et dans l'espace. Il atteste l'unité et par conséquent, la force du groupe dont on fait partie.

La laine ne sera pas teintée car teindre c'est mentir : "Nulla tincture, nec mendacio defucata".

Le chapitre général des cisterciens, de 1181, décide d'exclure les draps teintés et curieux-(tincti et curiosi), c'est-à-dire propre à susciter l'attention.

C'est le cas aussi des humiliés et d'une façon générale, de tous ceux qui mettaient fortement l'accent sur l'idéal de pauvreté.

Par la force des choses, il en résulte de notables variations de couleurs

au sein d'un même ordre.

Dès lors se pose le problème : vaut-il mieux afficher sa pauvreté et son peu de souci de la chose vestimentaire, et risquer une certaine anarchie, ou assurer, non sans quelques dépenses, l'homogénéité du groupe?

Tous les ordres finirent par opter pour la seconde solution.

Les moines de Villers portaient une longue robe blanche fermée par une ceinture en cuir noir.

Un scapulaire ou cuculle chez les Chartreux leur descendait jusqu'aux pieds et était de couleur noire.

Ils pouvaient pour combattre le froid et l'humidité, prendre une calotte noire et un capuchon noir qui se nouait sous le menton.

Les cisterciens, appelés "moines blancs" parce que leur vêtement était fait de laine naturelle étaient décrits groupés comme une troupe de goélands et brillant d'une blancheur de neige, symbole de pureté.

Signalons qu'en fait, au début du XIIème siècle, la cuculle des cisterciens passe du gris au noir, cependant que la tunique virait du marron au gris.

Pour les exercices du choeur, les frères avaient la robe blanche, une coule à manches flottantes et un camail de même couleur. En fait, ce camail était une espèce de manteau terminé par un capuchon.

Le costume des novices était entièrement blanc ; celui des convers de laine beige et par conséquent moins salissant.

Voici le trousseau d'un moine du Xème siècle, tel que le décrit Hélyot : 2 chemises de serge (laine légère) 2 tuniques, 2 chapes, 2 cuculles (dites aussi scapulaires), 2 paires de caleçons (femoralia), 4 paires de souliers pour le jour, des pantoufles pour la nuit, 2 paires de chaussons, 1 roc (vêtement de laine), 2 pelisses tombant jusqu'aux talons, des gants en été, des moufles en hiver, des sandales de bois, des bandelettes ou ceinture pour lier, en voyage ou dans le monastère, les hauts de chausse ou caleçons, et les bas.

N'oublions pas le mouchoir, le peigne de bois, le couteau, l'aiguille et le fil, le stylet et la tablette pour écrire, qui complètent l'équipement des solitaires.

Bibliographie des études
  • "Abbaye de Villers-La-Ville de l'ordre de Citeaux", Description des Ruines avec plans et dessins, Ch. LICOT & E. LEFEVRE, 2ème éd. 1883, Librairie Polytechnique - Bruxelles.
  • "Description des Ruines de l'Abbaye de Villers", Nouvelle éd., G. BOULMONT, 1907, Maison Victor DELVAUX - Namur.
  • "L'ordre de Citeaux en Belgique. Des origines (1132) au XXème Siècle", D. Joseph-Marie CANIVEZ, Forges Lez-Chimay, 1926.
  • "La vie quotidienne des Religieux au Moyen-Age", L. MOULIN, Hachette, 1989.
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